Gintas K’s “Lėti” reviewed by Inactuelles, musiques singulières

   L’artiste sonore et compositeur lithuanien Gintas K sort, seize ans après son premier disque chez Crónica, l’excellent label portugais consacré aux musiques électroniques et expérimentales, Lèti, « Lent » en lithuanien. Onze titres de musique électronique à la fine granulation : regardez bien la pochette !

   Clochettes, touches de synthétiseur : un clapotis, un tintinnabulement enchanteur, c’est “Bells”, surprenante vignette pastorale qui s’enfonce dans la touffeur des herbes électroniques. Vous y êtes ! Et ce n’est pas une “Hallucination” (second titre) désagréable. La musique gonfle, fait des bulles, danse imperceptiblement. De la musique pour des toiles d’Yves Tanguy. De petites toiles arachnéennes. Ce qui n’empêche pas l’envol de “Various”, synthétiseurs grondants et dramatiques, toute une cavalerie grandiose jamais pesante en effet, du Tim Hecker micro-dentelé, avec une belle stase onirique à la respiration sous-marine. Superbe travail !

 Avec “Variation”, la musique devient borborygmes, boursouflures minuscules du matériau sonore : surgit un monde étrange près de s’engloutir. “Atmosphere” est au contraire saturé, débordant d’événements sonores qui  se ralentissent, s’étalent autour de virgules ironiques sur fond de drones poussiéreux. Pas le meilleur titre, selon moi, ventre mou de l’album. Je préfère “Savage”, granuleux en diable, crapaud sonore pataugeant dans une bouillasse électronique vaguement monstrueuse, dont émerge une poussée formidable, pustuleuse de bruissements métalliques serrés, qui retourne à la vase lourde. “Guitar” ? Souvenir énigmatique d’un instrument fantôme, réduit à des griffures courtes, espacées, accompagnées de gribouillis balbutiés !

   L’un des meilleurs titres de l’album, le miraculeux “Nice Pomp”, est d’une délicatesse confondante, ce qui n’exclut pas une belle force. Le foisonnement électronique est travaillé en couches à multiples facettes qui s’estompent avant un finale hoquetant. “Query”, à l’énigmatique beauté transparente, se charge peu à peu de poussées cascadantes d’orgue avant de retourner à un calme bucolique parsemée de fleurettes sonnantes : Gintas K est le maître de ces petites pièces précieuses ! L’avant-dernier titre, “Ambient”, s’inscrit parfaitement dans cette esthétique raffinée. Il associe jeux d’eau et nappes synthétiques légères, créant une sorte de jardin japonais sonore, apaisant et nimbé de mystère grâce à son chemin de drones amortis.

   Le “Bonus Sound” conclut ce parcours par un hymne ambiant somptueux, feuilleté de frémissements, à la magnifique granulation électronique.

   Indéniablement un grand disque, subtilement ciselé !

via Inactuelles, musiques singulières