De l’enregistrement comme matériau. Pour cet artiste sonore britannique, l’utilisation de l’enregistrement dans tous ses états, même les plus extrêmes, est un credo. Allant jusqu’à leurs défauts, et l’échec de leur reproduction. en plus de leur utilisation dans un cadre artistique, il lie son travail à la pédagogie et réalise de nombreux ateliers d’écoute et d’enregistrement, ainsi que de construction de microphones, notamment avec des enfants à travers le monde (Colombie, Corée du Sud), ou avec des mineurs “non accompagnésâ€, dans un centre pour migrants en Allemagne, par exemple. Ici, toutes les sources proviennent d’enregistrements réalisés lors d’une résidence en Norvège en 2013. Et nous sommes confrontés à un univers “au bord du presque rienâ€, comme pour mieux fixer l’écoute, où le moindre son prend soudain la prestance d’un monument. Tout démarre sur une trame de vent, chargée de légers battements/cliquetis, en une vibration, comme projection de particules dans l’atmosphère. Cut brutal à mi-parcours, suivi de tronçons bruitantes et de sautes de volume, lardés de quelques fritures denses, de bruits sourds. La seconde piste est du quasi silence: juste une petite fréquence miaulante, qui va et vient. Le troisième morceau consiste en enregistrements ambiants, en déplacements d’objets sur une parquet: impacts, roulades. Suit un silence (presque), et ne reste que la rumeur. Le presque rien, donc: quelques tintements parcimonieux, un sifflement, un archet, et puis soudain vient une densification des couches, pour un final presque rock (doom) un peu saturé. Une courbe. Quatrième chapitre: du scratch, des attaques, un liquide qui bout sur fond de crépitements, certains à ras la membrane; un peu d’eau, puis de craquements, une porte claque, bruits de citernes, un son continu de 50 herts (grand frigo) avec des feedbacks, des sons très concrets, bruits de chauffe-eau, et fin sur de petites fritures feulantes. Le CD s’achève en un bourdon gris, avec uns mince pulsion, auquel succèdent son de tunnel, buzz roulant, ondes courtes, dotés d’un son sale à souhait, étouffé, qui retourne au silence… Soit une bande sonore des instants gris, dans l’infra de l’écoute, avec de petits signes de vie du monde sonore, en un rappel du délaissé. Radical. Emmanuel Carquille