“Flow” reviewed by Octopus

Depuis 2003, le label Crónica poursuit son entreprise singulière de défrichage multimédia, pistant les traces éparses de sensibilité humaine au fil de productions se nourrissant des échanges entrelacés d’abstractions mélodiques digitales et d’habillages graphique et vidéo stylisés. Une science du dialogue entre le biologique et le numérique qui s’approfondit davantage encore sur ce Flow, mené avec maestria par le vétéran Vitor Joaquim, dont les aficionados se remémoreront le Tales Of Chaos paru en 1997 sur l’autre label portugais de référence, Ananana. Flow conserve la même approche thématique, déclinant différentes variations autour de la notion de “moments”. Il en ressort un sens curieux du mélange, où l’auditeur se laisse happer par une mise en scène flottante, par une théâtralité évanescente. Sur un lit d’effets musicaux électroniques discrets et enveloppants, alternant nappes fondantes et bleeps coulissants, Vitor Joaquim noue les fils d’une intrigue environnementaliste où les premiers rôles sont confiés avec parcimonie à la voix suave de Filipa Hora et aux guitares de Joao Hora et Emidio Bucchino. On avance donc précautionneusement dans l’écoute, au gré de cet étrange jeu de cache-cache entre la voix narrative et des sensations musicales clair-obscures qui entretiennent avec une douce harmonie une cohésion improbable. Sur “Slow moments”, le temps paraît suspendu derrière la voix qui semble se robotiser au contact des matières musicales grésillantes. Sur l’intro de “Moments of sync”, le fluide sonore s’amplifie brusquement, comme si une autoroute bruyante s’ouvrait tout à coup devant nos oreilles. De quoi tendre le pouce pour saisir au vol cette nouvelle expérience aventureuse et sensitive signée Crónica.

Laurent Catala

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