Pour fêter ses deux ans d’existence, le très estimable mais encore tout jeune label portugais Cronica a décidé de rendre un hommage paradoxal au plus ancien des média invisibles utilisé par l’homme : la radio. Initiatrice chez beaucoup du goût pour les modulations aléatoires ou les expériences de white noise, la radio constitue encore aujourd’hui une source inépuisable d’investigation et d’extraction sonore, ce que les musiciens invités sur ce Essays on Radio tendent encore à prouver. Des fréquences cinétiques de Random industries aux exercices de langues étrangères de Paulo Raposo en passant par le minimalisme tonal de Steinbrüchel, les différentes pièces musicales passent au crible le déterminisme radiophonique dans son ensemble. Saturations et grésillements sont donc de la partie, mais réservent des atmosphères fluctuantes, selon l’appréciation du tuner de chacun des compositeurs, tour à tour lisses et ambiantes, ou plus agressives et frontales. Certains titres comme le Goebbels Pupils de Duran Vasquez, mêlant discours de fond ultra-traditionnaliste et bruits de craquements au premier plan, interpellent même sur le double niveau de perturbation de la radio, l’évidente tenant à l’appréciation du discours reproduit et intelligible, et la sous-jacente tenant aux désagrements physiques qui peuvent brouiller la retransmission. Un projet ambitieux mais qui s’accommode très bien de la contrainte requise des deux minutes, une allusion-clin d’oeil à l’anniversaire de leur label hôte, mais également une occasion de retrouver la facilité de permutation d’une source à l’autre propre à la captation radiophonique.
Laurent Catala