Le label portugais cronica continue à explorer avec une curiosité et une intuition rare la matière sonore pour en extraire des axes de recherches didactiques et philosophiques inaccoutumés. Depuis Ash int, on n’avait pas eu vent d’aussi originaux pivots de réflexions. En un sens, l’ombre de MC Harding, boss du label Ash n’est pas loin puisqu’il co-signe ce second volume d’Autodigest. Le premier volume s’était évertué à stigmatiser les affects et les syndromes inhérents à la compression digitale ; Abandon de la haute fidélité au profit de la rapidité, la vitesse plutot que la subtilité. Ce deuxième volume est l’occasion de creuser une nouvelle frange, une autre entrée sur la production de sons. Il s’attache ainsi, en s’appuyant sur la diffusion actuelle via les nouveaux supports, à critiquer sous un angle cynique cet état de fait, l’illogisme absolu qui veut qu’on puisse avec une simplicité toujours plus grande avoir accès à la production mondiale sonore alors que le temps (non élastique) ne permet pas d’en apprécier le contenu, ni d’en découvrir le charme réel lors de lives Cela se traduit sur disque en une superposition jubilatoire et crescendo d’audiences et de publics en fin de concerts, standing ovation, applaudissements renouvelés, qui au fil du disque se stratifient les uns aux autres pour donner au final un malstrom sonore (peut-on encore parler de sonorités ?) absolu. Des bruits de mains, des cris de joie pour nous rappeler cette phrase en pochette intérieure ” Somewhere along the way, we seem to have forgotten what exactly we were cheering for… ” Une démarche jouissive dans ces vues, proches des théories de Toffler, Baudrillard et Debord et enthousiasmante dans ses fins même si on écoutera pas le cd en boucle. Drôle et profond.
Julien Jaffré