L’album est donc divisé en deux parties, toutes les deux à peu près sur le même ton, tandis que c’est la construction des morceaux qui change un peu. La première partie, Tropical Agent, composée de neuf morceaux, propose autant de variations sur des boucles acoustiques complètement retravaillées au laptop, afin de les rendre plus fragiles, fracturées, et souvent noyées dans des souffles, grésillements et autres clicks. On obtient alors des morceaux plutôt ambient et franchement hypnotiques, mais jamais ennuyeux puisque tous les éléments semblent toujours en mouvements, alors que d’autres apparaissent et s’éloignent au fil des morceaux, plus ou moins régulièrement, un peu comme tous ces bruits mécaniques qui servent à rythmer les pièces.
Chaque morceau possède donc son propre son, suivant que le matériaux de base soit une boucle de tintements chaotiques (Dirty Needles), ou d’un timide piano et harpe (If You Should), un violoncelle (Search for Compassion), ou une guitare traitées à la Fennesz sur U Think U Konw Who U Are. A l’écoute du premier morceau on se dit que l’on a affaire à un disque très expérimental, peut-être difficile d’accès, mais on se laisse vite prendre au jeu de ces mélodies écorchées, de ces lentes évolutions vers l’épure, par cette impression que le temps s’arrête au beau milieu d’un morceau, uniquement ponctué par le mouvement, lent et régulier des pales d’un hélicoptère, ou par cette façon de rendre un morceau ambient oppressant (Triggers of Violence).
La deuxième partie, intitulée Ears in Water, composée de cinq morceaux, met en avant des souffles grésillants, métalliques, aux oscillations régulières, qui servent de tapis sonore à des mélodies ou collages sonores. Une lente mélodie de guitare sur Vista Plain, une voix féminine fracturée subissant de multiples effets au milieu de fins bruitages et sons sur le superbe Girls in Water, ou sa version masculine, plus grave à tout niveaux, avec Untitled #1.
Pour finir, deux morceaux opposés avec Untitled #2, magma de souffle et micro-bleep qui s’organisent petit à petit en une mélodie pointilliste, puis Piano, avec une superposition de claviers très francs au regard du reste de l’album.
Encore une fois le label portugais nous étonne, réussissant à marier expérimentation et sensibilité, efficacité et originalité, se révélant être l’un des labels les plus excitants du moment.
Fabrice Allard