Les titres d’albums sont parfois très explicites. Celui-ci l’est complètement. Difficile de faire autrement, d’ailleurs, puisque tout ce qui compose Berlin Backyards est la signification même du titre du disque. En effet, Gilles Aubry, qui habite Berlin depuis 2002, qui est membre des groupes Monno et Swift Machine et dont les enregistrements en solo ont été publiés sur différents labels (Cronica, Creatives Sources, Schraum, Sound Implant) , s’est mis à enregistrer pendant toute une période les bruit engendrés par la ville. Mais pas n’importe quels bruits. Ceux que le Suisse a collecté proviennent d’arrières cours, bruits de la vie quotidienne, ceux qui sont perçus par un être en mouvement et qui les laisse filtrer à travers lui sans que rien ne puisse vraiment le perturber. Pour lui, ces arrières cours sont tout à fait particulières. En effet, selon ses dires « elles créent des espaces transitoires entre des territoires publics et privés, tout autant « maisons sans toit » que « rues fermées ». Lieu d’expression de différentes relations de voisinage dont la nature comporte souvent une dimension de surveillance réciproque au nom de la sécurité de la communauté(…) ». Il va sans dire que les sons n’ont pas été retranscris tels quels et que Gilles Aubry les a réorganisé pour leur donner une cohérence. Cependant, l’idée était tout de même de garder intact les ambiances rencontrées dans ces arrières cours et de ne pas dénaturer ce qu’il a pu percevoir en tant qu’individu témoin.
En soit, Gilles Aubry a enregistré la vie dans toute sa signification. En effet, l’activité humaine berlinoise n’a pas été le seul centre d’intérêt du Suisse. Ainsi il n’est pas rare d’entendre, au fil des huit pièces de l’album, des chants d’oiseaux, le souffle du vent ou des écoulements de pluie. Tout ce qui pouvait représenter au mieux l’identité d’un lieu. Berlin Backyards est un album en relief où les field recordings se superposent pour mettre en évidence toutes les nuances de l’activité urbaine de la cité. Cette dernière, en perpétuelle mutation, est comme un être vivant. Elle possède comme lui tout un mécanisme qui l’anime, qui fait partie intégrante d’elle et qui réagit et vibre en fonction de l’environnement dans lequel il se trouve. Berlin Backyards est sans doute un disque un peu apre mais il en va toujours de même avec qui utilisent ainsi des sons enrivonnementaux. Toute la difficulté pour l’artiste est de rendre le tout perceptible et compréhensible pour l’auditeur. Pour ce dernier la tache n’est pas plus facile puisqu’il s’agit pour lui d’être attentif et de déchiffrer les différents niveaux sonores utilisés et de les replacer dans le bon contexte. Le degré d’implication est alors important et plusieurs écoutes sont sans doute nécessaires mais étant donné le caractère particulier de ce disque et prenant en compte toute sa difficulté, si vous lâchez en route, personne ne vous en voudra. Fabien