Alors que usure.paysage n’a pas fini de nous hanter, il n’est pas inutile de revenir sur un disque un peu plus ancien sorti l’année dernière sur Cronica (label ô combien connu et estimé en ces colonnes). Enregistré entre 2008 et 2010, Strings.Lines a été réalisé avec l’aide de Pierre-Yves Martel à la viol de gambe et de Chris Bartos au violon. Ici on s’éloigne quelque peu de la musique concrète mais sans la quitter vraiment. Le travail est axé entre les cordes et les expérimentations électroniques du canadien, le trio se donnant une ossature qui n’est pas toujours fixe. En effet, la ligne est toujours un peu floue entre les cordes lancinantes, fuyantes et le field recordings utilisé par Bernier qui, une fois encore, a trouvé une multitude de sources pour rendre ce disque à l’opposé d’une Å“uvre coincée entre quatre murs. Strings.Lines est fait de modulations, de variations, de colorations diverses et se veut même mélodique se refusant à céder à une stricte abstraction sonore. Néo-classique, musique contemporaine, concrète, électro-acoustique, ce que vous voulez, la musique de Nicolas Bernier ne se cantonne pas à une approche unique.
C’est ce qui fait tout l’intérêt de ce disque. En trouvant des solutions tonales et des lignes autant sonores que mélodiques qui évitent d’être trop droites, Bernier s’ouvre des solutions inespérées. Il faut que ça craque, que ça se torde mais avec souplesse, sans brutalité, sans cassure qui pourrait mettre en péril les pièces qui sont jouées devant nous. Bernier et ses camarades avancent vers un point de rupture mais sans jamais vraiment l’atteindre. On reste donc sur une expérience fragile, qui se laisse porter, emplie d’une poésie automnale qui touche bien souvent au sublime. Et c’est bien cela qui fait l’engouement (mesuré tout de même, Bernier ne remplit pas les stades…) que suscite ses pièces électro-acoustiques. Le sublime. Car on ne trouve rien à redire à ce qu’il nous présente. On reste même pantois. La beauté pure que dégage ce disque (et pas seulement celui-ci si on y regarde de près) redonne un intérêt aux musiques d’avant-garde. En cela on peut comparer Bernier à un artiste comme Fennesz qui, dans son genre particulier, avait su, à coups de disques imparrables, donner un sens à l’abstraction électronique moderne. Bernier est un peu dans cet optique là et Strings.Lines porte en lui les marques d’un grand disque. Fabien
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