On découvrait Gintas K en juin dernier lors d’une soirée aux Instants Chavirés autour de la scène musicale balte. Lors de cette soirée globalement d’une très bonne tenue, le Lithuanien nous avait alors présenté un set honnête mais dont on regrettait le systématisme : introduction façon minimal techno, puis éléments de plus en plus denses, apparitions de textures pour finir de manière plus abstraite et bruitiste.
Sorti quelques mois avant ce concert, Lengvai est logiquement assez proche de ce concert. Il s’agit d’un double album présentant deux facettes du travail du Lithuanien. D’une part cette électro minimale revisitée, et sur le deuxième disque un travail purement conceptuel de recherche sonore.
Lengvai est en fait le premier disque, qui se découpe en cinq pièces d’une durée de 4 à 27 minutes. Avec ses 4 minutes le morceau titre qui ouvre l’album fait figure d’introduction dans le sens où c’est le plus court mais aussi celui qui permet de rentrer dans l’univers de Gintas K. Ultra minimal, sorte d’ambient-click avec quelques nappes de laptop, sa fonction est uniquement d’éveiller les sens et de préparer l’auditeur aux prochaines pièces. On rentre véritablement dans l’album avec Ilgiau Ilgiau : les clicks sont plus francs et construisent une rythmique à la Frank Bretschneider. Minimale et efficace, ponctuée de sifflement stridents et de bruits blancs, en extrapolant un peu on pourrait comparer ça à un croisement entre Bretschneider et Pan Sonic, ou plus globalement à COH, avant que de délicieuses notes limpides n’apportent une certaine douceur à l’ensemble. On est un peu surpris de trouver ce genre de production chez Cronica, généralement plus difficile d’accès, mais on est aussi content de trouver ce type de morceau sur un album globalement assez austère.
Alors qu’on avance doucement dans l’album, le son s’affirme, les bruits sont plus secs, plus fermes, les jets de bruit blancs fusent de toutes parts sur Kulgrinda, les nappes chargées de la part mélodique sont saturées, et après un break aquatique le son devient lourd, et aux influences industrielles. Avec ses 27 minutes Early Set est forcément construit différemment. Introduction ambient minimale avec basses rebondies et rythmique faite de gouttes d’eau. les éléments de densifient, et le tempo s’accélère sur une première partie fort prenante. La suite joue sur l’abstraction : arrêt de la rythmique, superposition de notes limpides, sifflements de laptop, grésillements jusqu’à l’obtention d’un calme relatif, ponctué d’infrabasses et de gazouillis suraigus. La dernière partie et conclusion de l’album révèle un nouveau changement de ton, sorte d’ambient hypnotique à la Vladislav Delay marquée de textures grésillantes, et souffles bruitistes. Une magnifique et étonnante conclusion d’un disque intéressant mais qui souffre d’un manque d’organisation de ses idées.
On sera assez bref sur le deuxième CD, purement conceptuel. Le titre expose le principe : 60 x One Minute Audio Colours of 2kHz Sound. Il s’agit donc pendant une heure de 60 manipulations sonores sur un son qui est une fréquence pure de 2kHz. Gintas K lui applique divers effets déformant le son, créant des syncopes, chacun donnant une couleur différente à ce son qui parait tour à tour plus grave ou plus aigu. Il s’agit là uniquement de recherche sonore, dont la rigueur lui confère le statut de document : toutes les minutes un nouvel effet apparait alors que le tout aurait pu s’enchaîner en douceur au profit d’une unique pièce sonore.
Considéré dans sa globalité, Lengvai et 60 x One Minute Audio Colours of 2kHz Sound forment une curiosité. Deux CD complètement différents, album un peu à part au sein de la discographie du label portugais, on ne doute cependant pas de la sincérité du travail de Gintas K qui devrait séduire les fans de COH, Bretschneider et Pan Sonic.
Fabrice Allard