Pour sa 20ème sortie, Cronica propose une compilation conceptuelle. On n’en attendait pas moins de la part du pointu label portugais. Comme le suggère le titre, le concept tourne autour de la radio, thème choisi à l’heure de la multiplication des canaux de diffusion, comme étant le plus ancien medium électronique, le seul dépourvu d’images et que l’on aurait un peu tendance à oublier alors qu’il est bel et bien vivant. Ce sont 39 artistes qui ont travaillé sur le sujet, fournissant chacun un morceau de 2 minutes, soit un moyen de fêter les deux ans du label et de joliment sous-titrer cette compilation “Can I have 2 minutes of your time ?”
Ceux qui connaissent le label peuvent imaginer le résultat. Une bonne partie des artistes présents sont bien sûr des artistes déjà édités chez Cronica, label orienté abstract-glitch ou ambient-noise, selon les goûts, et qui reprend un peu les choses là ou Mego les a laissées… C’est l’occasion de retrouver @c, Tilia, Ran Slavin, Autodigest, O.Blaat, Boca Raton, Heimir Björgúlfsson & Jonas Ohlsson, Freiband, ou Durán Vázquez pour n’en citer que quelques uns dont nous avons déjà pu parler. D’autre part, on trouve quelques “stars” qui viennent enrichir ce tracklisting, avec justement General Magic ou Pita (puisque nous comparions Cronica à Mego), Pure, Pimmon mais aussi des artistes que l’on n’attendait pas ici comme Stephan Mathieu, Steinbrüchel, ou John Hudak.
D’un point de vue purement musical, pas de grosses surprises ici. On retrouve les expérimentations en tout genre propres à ces artistes (drones, sifflements stridents, bruit blanc, sinusoïdes, silences), mais on retrouve aussi leur talent qui permet de rendre tous ces bruits sensuels, poétiques, mouvementés, riches et enrichissants. Par contre on ne saura se prononcer sur la réussite de cette compilation puisque très vite le concept est oublié. D’un côté les artistes composent en nous faisant oublier cette réflexion de départ sur le medium “radio”, de l’autre ce qui devait faire l’intérêt du disque passe au second plan…
En fait on aura plaisir à naviguer entre les deux choix, appréciant les expériences ambient minimales autant que les samples d’émissions de radio, le zapping d’une fréquence à l’autre, ou la dimension politique lorsque Tilia zoome sur un discours de Bush.
Encore une fois Cronica nous bluffe. Expérimental et sensible, abstrait mais terriblement ancré dans notre époque, la musique de ce label, de ces artistes, nous parle et nous laisse sans voix.
Fabrice Allard