Une nouvelle fois, le label portugais, que l’on trouve extrêmement productif en comparaison à l’exigence de ses sorties, nous surprend avec ce disque plus facile d’accès, mais qui s’avère être une excellente réussite dans la fusion de l’électronique et de l’acoustique, avec un jeu subtile qui s’installe entre ces deux composantes.
Tilia est le projet de l’Allemand Alexander Peterhaensel, dont la production va de la musique à la vidéo. D’ailleurs ce CD nous permet d’apprécier les deux facettes de son travail puisque Vous rêvez / Vous ne rêvez pas est une pièce de 30 minutes, divisée en trois morceaux enchaînées, et qu’une version vidéo (de la même durée donc) est proposée sur une piste CD-Rom.
Dès les premières minutes, on se sent happé par la beauté de la musique de Tilia. On n’ose alors imaginer ce que donnait la version originale, diffusée sur plusieurs enceintes pour des spectacles de danse. Quelques grésillements d’introduction, des claquements rythmiques, et un superbe solo de piano qui fait son apparition, alternant entre les maintenant classiques effets de syncope produits par de savants copier-coller, et boucles répétitives sur plusieurs niveaux. On pense alors à la vague des minimalistes, et en particulier Steve Reich quand des boucles vocales se mêlent aux mélodies. Entre un piano qui fait mouche à tous les coups et un travail d’orfèvre sur les traitements électroniques, ce premier mouvement est un véritable enchantement, une musique classique qui devient même dansante sur un final un peu plus rythmé.
Roundaround, deuxième partie, provoque une petite cassure, une pause, et laisse l’auditeur en suspens. Les glitchs et bruitages électroniques apparaissent, mais on reste dans le flou, les mélodies sont plus légères, une voix trafiquée, brouillée fait son apparition, et le concept perd un peu de sa force quand une basse apparaît.
Moronic reprend le même principe, mais adopte encore une fois un ton un peu différent. Plus grave, plus timide, plus répétitif, l’artiste joue avec nos nerfs pour mieux nous séduire lorsque tous les éléments s’imbriquent : ici la basse nous paraît plus juste, mieux utilisée, les glitchs composent une rythmique millimétrée. Séquences répétitives, hypnotiques, et grands élans mélodiques s’enchaînent régulièrement, une guitare se confond presque au piano, et quand les craquements cessent, le piano se prolonge seul, en un long final apaisé.
La vidéo reprend cette bande son, et propose trois styles différents pour chaque mouvement, avec un joli mais classique effet de texture vidéo sur des formes géométriques en mouvement, abstraction mouvante, et vraisemblablement un extrait du spectacle de danse, à moitié figé et détérioré par divers traitements numériques.
Au final, encore une fois un grand disque chez Cronica, mais on aurait tout de même bien aimé en entendre un peu plus, et voir jusqu’où Alexander Peterhaensel pouvait décliner son style.
Fabrice Allard